Radio DAB là où il est question de tuyaux et de contenus
Lettre ouverte à M. Arhab, conseiller du CSA


Ce billet fait référence à l'intervention de M.Rachid Arhab, membre du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et représentant le CSA à l'occasion d'une table ronde qui s'est tenue dans l'enceinte du salon "le Radio", édition 2010.A

Monsieur Arhab,

j’ai suivi attentivement votre intervention comme celle de David Kessler. Quelques observations s’imposent.

Vous considérez que nous sommes "tout le temps en train de nous noyer dans les questions de technologie et de tuyaux". Or, j’observe que vous estimez qu’il faut « numériser » la radio quoiqu’il advienne pour qu’elle ne périclite pas et parce qu’il est anormal que dans un monde « numérique » les émissions de radio ne le soient pas.

Ce chantage au « tout numérique », cette adhésion à la thèse selon laquelle le «numérique» permettrait d’élargir l’offre et la couverture radio, ne relèvent-elles pas du registre technologique - que vous balayez avec condescendance - plutôt que de celui des contenus? Et pourquoi la radio n’aurait-elle pas, tout simplement, vocation à demeurer analogique, pour sa simple survie, pour sa proximité et pour son indépendance ?

En TNT, ce n’est que grâce au secours de la diffusion satellitaire que le CSA et le gouvernement peuvent se targuer d’une couverture intégrale et moderne du territoire. Il faut savoir que la couverture de la télévision numérique s’est concentrée sur les villes et qu’elle a délaissé les campagnards et les montagnards : près de la moitié des émetteurs analogiques de télévision ne seront jamais convertis au numérique : les caisses sont vides, même pour les télévisions. La radio numérique terrestre, parce qu’elle suppose la réception en mobile, ne pourrait pas bénéficier d'un complément satellitaire gratuit ce qui signifie inégalités et fracture numérique.

En outre, toujours dans le registre technique, vous considérez que la radio actuelle (AM, FM) n’est pas numérisée à l’arrivée: c’est faux. Les fabricants de postes de radio AM et FM utilisent depuis quelques années des technologies numériques particulièrement sophistiquées (software radio). Celles ci augmentent indirectement la couverture radio FM existante, améliorent la qualité audio, augmentent l’autonomie sur batteries, diminuent le prix de revient du poste… tout cela sans que la profession ni les auditeurs ne soient mis à contribution. De nouvelles optimisations du spectre radio FM sont même envisageables...

Vous tentez de discréditer la diffusion de la radio via internet au prétexte qu’elle ne préserverait pas l’anonymat. Votre argument survient au moment même où l’état commence à débusquer les adeptes du téléchargement en exploitant justement les limites de l’anonymat sur internet : quelle récupération astucieuse ! Je dirais ironiquement qu’il vaut mieux rester dans l’anonymat pour ne pas être inquiété lorsque l’on écoute les programmes de divertissements nauséabonds diffusés jours après jours, après 22h, à l’échelle nationale par quelques réseaux parisiens, pourtant dûment régulés par le CSA. Interrogeons-nous plutôt sur la réalité de l'argument de l'anonymat de la radio, dans un monde où l’internet permet justement à des minorités, des journalistes, des auditeurs isolés, des lecteurs lointains, de diffuser et de recevoir des informations alternatives, bref d'exister en sortant justement de cet anonymat pesant.

Enfin, je considère que déclarer que la radio numérique sera «gratuite» relève des éléments de langage bien rodés, sur-exploités par nos autorités. Cet argument, à la limite du mensonge, vise à faire avaler la pilule numérique à ceux qui ne l’ont pas demandé et « divertir » la population au sens où Pascal l’entendait. Le principal initiateur de la radio numérique serait inévitablement le service public. Son déploiement supposerait une double diffusion, des infrastructures plus complexes et plus coûteuses à couverture égale. Voici en gros le « coût » de la gratuité dont vous parlez et qui pèsera sur tout le monde :

  • un milliard d’euros pour l’initialisation de l’infrastructure «rnt» du service public : financés par les concitoyens qui sont actionnaires de l’état, y compris les campagnards et les montagnards qui attendront toujours… ;

  • trois milliards d’euros au titre de ce qui est assimilable à une «taxe numérique» indirectement inscrite dans la loi car obligeant les consommateurs dès 2012 (y compris les campagnards et les montagnards qui attendront toujours…) à payer la partie numérique obligatoire (et probablement inutile) de tout poste de radio analogique acheté en France.

Il va falloir casser la tirelire...

Zut, elle est déjà cassée...

A suivre !

Gilles Misslin