Transcription d'un extrait du film


En 2008, j'ai accueilli Colin, un jeune stagiaire, école d'ingénieur en électronique : brillant, drôle, plus tenté par l'aventure logicielle que par l'électronique matérielle. Diplôme d'ingénieur en poche, il s'est finalement mis au service du monde de la finance et de la spéculation en devenant un expert du micro-trading. L'autre jour, j'échange avec un ami fournisseur - mécanicien de précision - et l'écoute m'expliquer avec admiration comment son fils, sorti de fac de droit, vient de s'installer comme avocat d'affaires au Luxembourg. Deux de mes neveux, travailleurs et malicieux, se mettent au service du monde de la finance : l'un, pourtant passionné d'électronique et d'informatique, se destine à être juriste dans le monde bancaire, l'autre achève ses études en Suisse, et est passionné de crypto-monnaie.

Alors, le beau texte engagé ci-dessous, résume mieux que n'importe quels mots, mon sentiment. Il est écrit par le réalisateur Nicolas Pariser, dans son film "Alice et le Maire". Alice (Anaïs Demoustier) relit à haute voix un extrait du discours que le maire (Fabrice Luchini) s'apprête à donner.

"Il ne suffit pas de dire que nous allons lutter contre le monde de la finance, comme si ce monde était une armée abstraite, sans soldats, sans divisions. Cette armée est concrète. Et de quoi, et de qui est-elle faite ? Par exemple ici en France, la réponse est simple, simple mais terrible. Le monde de la finance, ce sont nos enfants. Oui. Les enfants de la république. Je vais même aller plus loin : ce sont nos meilleurs élèves. Ceux-là même que notre école républicaine a révélés, accompagnés, instruits, élevés jusqu'à l'excellence. Ceux que l'on appelait autrefois, un peu naïvement, l'élite de la république. Ils étaient hier scientifiques, ingénieurs, professeurs, médecins, architectes, généraux. Aujourd'hui, ils se pressent, dès leur vingtaine, aux portes des plus grandes banques et des plus grandes entreprises financières. Mes amis, mes camarades, qu'avons nous fait de nos enfants ? Qu'avons nous fait de nos enfants : les plus brillants d'entre eux, de ceux qui auraient du mener notre pays vers le progrès social, vers une solidarité plus profonde et plus efficace. A quel moment moment, son école a-t-elle retourné la république contre elle-même ? A quel moment a-t-elle fabriqué ce nouvel individu sans attachement national, sans sentiment de solidarité avec son prochain. Comment a-t-elle enfanté ce citoyen du monde qui part travailler dans toutes les cities, tous les wallstreet du monde, et qui paie de moins en moins ses impôts en France ?"